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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 06:00

 

 

 

 

 

Une de mes poupées. Elle mesure 42 cm de hauteur

 

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PA060189

 

 

Je vous avais déjà raconté une histoire de poupée avec Cosette, tirée des "Misérables" de Victor Hugo.  (ICI) Cosette était en admiration devant une magnifique poupée dans une vitrine à côté de chez les Thénardier.

 

 

En voici un des épisodes suivants

 

 

....Tout à coup, Cosette s'interrompit. Elle venait de se retourner et d'apercevoir la poupée des petites Thénardier qu'elles avaient quittée pour le chat et laissée à terre à quelques pas de la table de la cuisine.

Alors elle laissa le sabre emmailloté qui ne lui suffisait qu'à demi, puis elle promena lentement ses yeux autour de la salle.

 

La Thénardier parlait bas à son mari, et comptait de la monnaie, Eponine et Azelma jouaient avec le chat, les voyageurs mangeaient ou buvaient, ou chantaient, aucun regard n'était fixé sur elle. Elle n'avait pas un moment à perdre. Elle sortit de dessous la table en rampant sur ses genoux et ses mains, s'assura encore une fois qu'on ne la guettait pas, puis se glissa vivement jusqu'à la poupée et la saisit. Un instant après, elle était à sa place, assise, immobile, tournée seulement de manière à faire de l'ombre sur la poupée qu'elle tenait dans ses bras. Ce bonheur de jouer avec une poupée était tellement rare pour elle qu'il avait toute la violence d'une volupté.

 

Personne ne l'avait vue, excepté le voyageur qui mangeait lentement son maigre souper. Cette joie dura près d'un quart d'heure.

 

Mais, quelque précaution que prit Cosette, elle ne s'apercevait pas qu'un des pieds de la poupée passait, et que le feu de la cheminée l'éclairait très vivement. Ce pied rose et lumineux qui sortait de l'ombre frappa subitement le regard d'Azelma qui dit à Eponine :

 

-"Tiens ! Ma soeur !"

 

Les deux petites filles s'arrêtèrent, stupéfaites. Cosette avait osé prendre la poupée !

 

Eponine se leva, et sans lâcher le chat, alla vers sa mère et se mit à la tirer par sa jupe.

 

-"Mais laisse-moi donc !" dit la mère. "Qu'est-ce que tu me veux ?"

 

-"Mère," dit l'enfant, "regarde donc !"

 

Et elle désignait du doigt Cosette.

 

Cosette, elle, tout entière aux extases de la possession, ne voyait et n'entendait plus rien.


Le visage de La Thénardier prit cette expression particulière qui se compose du terrible mêlé aux riens de la vie et qui a fait nommer ces sortes de femmes : mégères.

 

Cette fois, l'orgueil blessé exaspérait encore sa colère. Cosette avait franchi tous les intervalles, Cosette avait atteint à la poupée de "ces demoiselles".

Une tsarine qui verrait un moujik essayer le grand cordon bleu de son impérial fils n'aurait pas eu une autre figure. Elle cria d'une voix que l'indignation enrouait.

 

-"Cosette !"

 

Cosette tressaillit comme si la terre eût tremblé sous elle. Elle se retourna.

 

-"Cosette !" répéta la Thénardier.

 

Cosette prit la poupée et la posa doucement à terre avec une sorte de vénération mêlée de désespoir. Alors, sans la quitter des yeux, elle joignit les mains, et, ce qui est effrayant à dire pour un enfant de cet âge, elle se les tordit; puis, ce que n'avait pu lui arracher aucune des émotions de la journée, ni la course dans les bois, ni la pesanteur du seau d'eau, ni la perte de l'argent, ni la vue du martinet, ni même la sombre parole qu'elle avait entendu dire à la Thénardier, elle pleura. Elle éclata en sanglots.

Cependant, le voyageur s'était levé.

 

-"Qu'est-ce donc ?" dit-il à la Thénardier.

 

-"Vous ne voyez pas ?" dit la Thénardier en montrant du doigt le corps du délit qui gisait aux pieds de Cosette.

 

-"Hé bien, quoi ?" reprit l'homme.

 

-"Cette gueuse," répondit la Thénardier, "s'est permis de toucher à la poupée des enfants !"

 

-"Tout ce bruit pour cela !" dit l'homme. "Et bien, quand elle jouerait avec cette poupée ?"

 

-"Elle y a touché avec ses mains sales !" poursuivit la Thénardier, "avec ses affreuses mains !"

 

Ici Cosette redoubla de sanglots.

 

-"Te tairas-tu ?" cria la Thénardier.

 

L'homme alla droit à la porte de la rue, l'ouvrit et sortit.

 

Dès qu'il fut sorti, la Thénardier profita de son absence pour allonger sous la table à Cosette un grand coup de pied qui fit jeter à l'enfant des hauts cris.

 

La porte se rouvrit, l'homme reparut. Il portait dans ses deux mains la poupée fabuleuse dont nous avons parlé, et que tous les marmots du village contemplaient depuis le matin, et il la posa debout devant Cosette en disant:

 

-"Tiens, c'est pour toi."

 

Il faut croire que depuis plus d'une heure qu'il était là, au milieu de sa rêverie, il avait confusément remarqué cette boutique de bimbeloterie éclairée de lampions et de chandelles si splendidement qu'on l'apercevait à travers la vitre du cabaret comme une illumination.


Costte leva les yeux, elle avait vu venir l'homme à elle avec cette poupée comme elle eût vu venir le soleil, elle entendit ces paroles inouïes : c'est pour toi, elle le regarda, elle regarda la poupée, puis elle recula lentement, et s'alla cacher tout au fond sous la table dans le coin du mur. Elle ne pleurait plus, elle ne criait plus, elle avait l'air de ne plus oser respirer.

 

La Thénardier, Eponine, Azelma étaient autant de statues. Les buveurs eux-mêmes s'étaient arrêtés. Il s'était fait un silence solennel dans tout le cabaret.
La Thénardier, pétrifiée et muette, recommençait ses conjectures :

 

-"Qu'est-ce que c'est que ce vieux ? Est-ce un pauvre ? Est-ce un millionnaire ? C'est peut-être les deux, c'est-à-dire un voleur."

 

La face du mari Thénardier offrit cette ride expressive qui accentue la figure humaine chaque fois que l'instinct dominant y apparait avec toute sa puissance bestiale. Le gargotier considérait tour à tour la poupée et le voyageur. Il semblait flairer cet homme comme il eût flairé un sac d'argent. Cela ne dura que le temps d'un éclair. Il s'approcha de sa femme et lui dit tout bas :

 

-"Cette machine coûte au moins trente francs. Pas de bêtises. A plat ventre devant l'homme."

 

Les natures grossières ont cela de commun avec les natures naïves qu'elles n'ont pas de transitions.

 

-"Et bien, Cosette," dit la Thénardier d'une voix qui voulait être douce et qui était toute composée de ce miel aigre des méchantes femmes, "est-ce que tu ne prends pas ta poupée ?"

 

Cosette se hasarda à sortir de son trou.

 

-"Ma petite Cosette," reprit la Thénardier d'un air caressant, "monsieur te donne une poupée. Prends-la. Elle est à toi."

 

Cosette considérait la poupée merveilleuse avec une sorte de terreur. Son visage était encore inondé de larmes, mais ses yeux commençaient à s'emplir, comme le ciel au crépuscule du matin, des rayonnements étranges de la joie. Ce qu'elle éprouvait en ce moment-là était un peu pareil à ce qu'elle eût ressenti si on lui eût dit brusquement : petite, vous êtes la reine de France.

Il lui semblait que si elle touchait à cette poupée, le tonnerre en sortirait. Ce qui était vrai jusqu'à un certain point, car elle se disait que la Thénardier gronderait, et la battrait. Pourtant l'attraction l'emporta. Elle finit par s'approcher, et murmura timidement en se tournant vers la Thénardier :

 

-"Est-ce que je peux, madame ?"

 

Aucune expression ne saurait rendre cet air à la fois désespéré, épouvanté et ravi.

 

"Pardi !" fit la Thénardier, "c'est à toi, puisque monsieur te la donne."

 

-"Vrai, monsieur ?" reprit Cosette, "est-ce que c'est vrai ? C'est à moi, la dame ?"

 

L'étranger paraissait avoir les yeux pleins de larmes. Il semblait être à ce point d'émotion où l'on ne parle pas pour ne pas pleurer. Il fit un signe de tête à Cosette, et mit la main de "la dame" dans sa petite main.

Costte retira vivement sa main, comme si celle de la dame la brûlait, et se mit à regarder le pavé.

 

Tout à coup, elle se retourna et saisit la poupée avec emportement.

 

-"Je l'appellerai Catherine," dit-elle...

 

 

Extrait des Misérables de Victor Hugo

 

 

 

  gif cosette 2

                   La poupée de Cosette de Léon Comerre (peintre français 1850-1916)

 


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commentaires

C
<br /> Un bien belle poupée - et une bien belle histoire !!!!<br />
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L
<br /> <br /> contente que ça te plaise<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Très jolie ta poupée.  Merci pour ce passage des" Misérables" J'ai les larmes aux yeux.<br /> <br /> <br /> Bisous<br />
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L
<br /> <br /> j'aime beaucoup les misérables. la vie de cette petite Cosette est bien poignante<br /> <br /> <br /> bisous<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> Je suis toujours autant émue en lisant ce livre .Tu as mis un beau passage . Ta poupée a un visage angélique.Douce nuit, bises Lilwenna<br />
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L
<br /> <br /> j'aime beaucoup ce livre aussi<br /> <br /> <br /> bisous et bonne nuit Erato<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> sur cette peinture elle est vraiment grande la poupée de Cosette... belle chevelure pour ta poupée...y a pas à dire avoir de beaux cheveux c'est un gros avantage pour une femme<br />
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L
<br /> <br /> j'avais des cheveux longs quand j'étais jeune, mais maintenant ils sont courts, c'est plus pratique !<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Qu'est ce qu'elle est belle, finesse du visage, cheveux de toute beauté et habit de rêve, que du bonheur, elle est vraiment magnifique<br /> <br /> <br /> Bonne soirée Brigitte<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> merci Laure ! contente qu'elle te plaise<br /> <br /> <br /> gros bisous et bonne soirée<br /> <br /> <br /> <br />

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